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03/11/2011

Le Monde dans la main (M. OLLIVIER)

« C’est mon plus lointain souvenir. »

Un samedi après-midi, alors que Pierre et ses parents faisaient des courses chez Ikéa, sa mère a brutalement disparu sans bruit, sans explication. Depuis, aucune nouvelle. La famille réduite va devoir apprendre à vivre autrement.

Sous ses apparences de roman bien élevé, à l’image du personnage principal, Le Monde dans la main fourmille de petites choses qui font la vie. Dans sa famille très « vieille France », enracinée dans la tradition, le narrateur vit une petite vie sans souci apparent, où chacun est à sa place. Pourtant, sous cette façade bien lisse, nombre de secrets se cachent et la vitrine ne manquera pas de se lézarder pour le pire et le meilleur.

Mikaël OLLIVIER a su trouver le ton juste ; son adolescent narrateur, mal à l’aise dans sa vie étriquée, analyse les choses avec justesse, sans pathos mais sans complaisance non plus. La disparition de la mère, roc de la famille, va faire imploser la structure familiale et lui permettre de sortir de sa chrysalide, le forçant à affronter l’extérieur. Tous les personnages qui gravitent autour de lui sont complètement crédibles, plein de failles mais attendrissants.

Mais Le Monde dans la main est également le récit d’une résilience qui cache bien son jeu et qui vient surprendre son lecteur au moment où il s’y attend le moins, et ce n’est pas le moindre des talents de Mikaël OLLIVIER que d’avoir su ainsi jouer avec la structure narrative.

Calmement, d’un pas régulier, maman s’est éloignée sans un mot, non vers le magasin, le service des livraisons, les toilettes ou je ne sais quoi encore, mais vers la sortie du parking. A pied. Sous la pluie. Mon père l’a suivie des yeux alors que les miens allaient de la silhouette de ma mère qui rapetissait à celle, immobile, de mon père. Ma mère, mon père, ma mère, mon père, et puis mon père tout court quand ma mère a disparu au premier rond-point.

On ne l’a jamais revue jusqu’à ce jour.

Mikaël OLLIVIER, Le Monde dans la main.

Editions Thierry Magnier

280 pages – 15,50€

Paru en 2011

L’auteur : C'est à l'âge quinze ans, dans la salle obscure de son ciné-club favori, que tout se joue pour Mikaël OLLIVIER. C'est la fin d'un cycle Alfred Hitchcock, et quand les lumières se rallument après la projection du dernier film, il se dit que c'est ça qu'il veut faire plus tard. Ça quoi ? Il n'en sait rien encore. D'abord cinéphile passionné, il devient un lecteur boulimique et, à vingt-cinq ans, décide de tout arrêter pour se lancer dans l'écriture. Romans pour la jeunesse et pour les adultes, nouvelles, scénarios pour la télévision et le cinéma, polars, récits intimistes ou futuristes, plus qu'écrivain, Mikaël OLLIVIER se sent raconteur d'histoires, le Ça de son adolescence.

Site de l’auteur : http://www.mikaelollivier.com

01/10/2011

Ultraviolet (N. HUSTON)

« Treize ans aujourd’hui. Enfin ! »

Alberta, Canada, été 1936, la chaleur est à son comble. Lucy, fille du pasteur Larson, a treize ans. Elle grandit et commence à se sentir à l’étroit, dans son corps comme dans sa tête. Tout se bouscule et elle ne supporte plus la vie étriquée qu’elle mène, aînée de cinq enfants, entre une mère qui ressasse sa jeunesse et son père qui ne songe qu’à se conformer aux directives divines. C’est pourtant par son intermédiaire, car il a l’habitude d’ouvrir leur maison aux malheureux, qu’elle fait se lier d’amitié avec le Docteur Beauchemin…

Ce médecin « défroqué » pour reprendre les termes de la mère, radié pour avoir commis un geste interdit, va révéler Lucy à elle même : un esprit libre, une libre-penseuse. Il va également être, sans le chercher vraiment, le vecteur de son éveil à la sensualité et sera celui par qui le scandale arrive.

Ultraviolet est un roman court, un journal d’adolescente rebelle qui lit d’une traite : on y partage les exaltations et les rejets de l’héroïne, ses émois et ses chagrins. C’est également le récit d’une émancipation, mais un récit profondément sensuel, où la chaleur de l’été albertien est omniprésente, comme un troisième personnage dans cette histoire qui est presque un huis-clos.

La plume de Nancy HUSTON se révèle une fois de plus d’une acuité rare, précise tel un scalpel qui décortique les états et empires de cette très jeune fille, et sachant se faire douce lorsque son héroïne s’arrête au cours d’un repas familial sur chacun des membres de sa famille qu’elle tâche de « voir autrement ». Subtil, anticlérical, parfois dérangeant, Ultraviolet saura toucher tous les adolescents en questionnement.

Une des merveilles de ce carnet, c’est que les mots chaleur insensée, une fois qu’on les a couchés sur la page, vous rafraîchissent un peu par rapport à la chaleur insensée qu’il fait dehors. C’est étonnant mais c’est vrai. De même pour les arcs-en-ciel : si les « vrais » manquent cruellement dans l ciel de l’Alberta depuis trois ans, ceux que j’ai écrits l’autre jour répandent un peu de couleur dans mon âme quand je les relis.

On n’est pas obligé de se limiter au « vrai », au « réel ». Ce qu’on imagine est réel aussi ! Tu comprends ? C’est magique : tout change ici, du fait même de l’écrire. Un carnet c’est un vrai laboratoire de sorcière.

Nancy HUSTON, Ultraviolet.

Thierry Magnier

80 pages – 8€

Paru en 2011

L’auteur : Canadienne anglophone vivant en France, Nancy HUSTON écrit dans ses deux langues et se traduit dans les deux sens. Elle a publié de nombreux romans et essais aux Editions Actes Sud, ainsi que, chez d’autres éditeurs, quelques livres pour la jeunesse

08/08/2010

J'ai quinze ans et je ne l'ai jamais fait (M. LETHIELLEUX)

J'ai quinze ans....jpg« J’ai quinze ans et je ne l’ai jamais fait. Voilà.»

Capucine et Martin sont en troisième. Ils se côtoient tous les jours mais ne se connaissent pas. Pour lui, elle est l’intello, pour elle, il est le schtroumpf.  Elle ne rêve qu’à sa « première fois », déteste ses parents trop étriqués et les autres en général. Lui ne pense qu’à la musique, joue de la basse et se prépare à un premier concert avec son groupe. Le hasard – et leur professeur d’Histoire-Géographie – va finalement les rapprocher.

Roman à deux voix, celle de la jeune fille et celle du garçon, qui joue sur les typographies, J’ai quinze ans et je ne l’ai jamais fait n’est pas ce qu’il paraît. Loin de détailler la vie sexuelle des adolescents, il expose au contraire ce délicat moment du « homard », pour reprendre l’expression de Françoise Dolto, ce temps où l’on offre aux autres une carapace d’indifférence alors que tout explose à l’intérieur, et que les sensations sont démultipliées à la puissance dix.

Si le roman de Maud LETHIELLEUX peut agacer, notamment au début, avec son héroïne qui ne cesse de se regarder le nombril en fantasmant une hypothétique vie sexuelle – la sienne et celle des autres – il devient très vite prenant et finit par vous emporter complètement dans ce tourbillon, vous retournant jusqu’à la fin, à la fois inattendue et délicate.

D’où je suis c’est pratique, il suffit que je me cale contre le mur et je peux observer tous les élèves de derrière. Ils sont tous concentrés. Sauf celle qu’est juste derrière moi, la seule plus nulle que moi, qui s’admire dans son miroir. A côté d’elle, l’intello vérifie son devoir avec une tête d’enterrement. Elle est toujours comme ça, l’intello : quand elle rend une copie, on pourrait penser qu’elle a tout foiré, mais quand la prof lui rend le devoir corrigé, elle fait l’indifférente qui savait qu’elle aurait au moins dix-huit.

Maud LETHIELLEUX, J’ai quinze ans et je ne l’ai jamais fait.

Éditions Thierry Magnier

201 pages – 9 €

Paru en 2010

L’auteur : Maud Lethielleux est musicienne et metteur en scène. Elle a parcouru le monde, de l’Asie à la Nouvelle-Zélande. Elle a publié Dis oui Ninon chez Stock en 2009, puis D’où je suis, je vois la lune, son deuxième roman.  J’ai quinze ans et je ne l’ai jamais fait est son premier roman pour la jeunesse.

Site de l’auteur : http://maudetlesmots.free.fr